samedi 18 juin 2011

Un peu de Northern Soul...


Le récent article sur les Mods m'a donné envie de vous parler plus longuement de la Northern Soul, puisqu'il s'agit d'une des composantes essentielles de ce mouvement.

Commençons par une mise au point qui devrait vous permettre de briller dans les dîners mondains et de gagner une encyclopédie à Questions pour un Champion. Aussi étrange que cela puisse paraître, la Northern Soul n'est pas l'opposé exact de la Southern Soul.

Voilà qui mérite une explication : le terme Southern Soul désigne un style musical typique du sud des États-Unis (représenté par des garçons comme Ray Charles ou Otis Redding) ; il s'agit d'une musique sauvage et moite portant encore le parfum des champs de coton et des alligators du Mississippi (j'aime faire appel aux vieux clichés, ce doit être mon côté paresseux). De son côté, la Northern Soul ne désigne pas forcément la Soul du nord des États-Unis mais les morceaux (souvent américains) diffusés en boucle au tournant des années 1960-70 dans des clubs en vogue au nord de l'Angleterre (d'où l'appellation «Northern»)

Tout cela nous amène à une nouvelle explication (qui devrait au moins vous permettre de gagner un camembert au Trivial Pursuit). A partir de 1967, une partie de la jeunesse anglaise reste hermétique aux nouveaux mouvements musicaux qui transfigurent la Pop et la Soul (psychédélisme, retour du blues, funk,...) et regrette le son «Mod», plus frais et plus rythmé. Ces jeunes gens se retrouvent donc le week-end pour danser dans des clubs (très populaires dans le nord de l'Angleterre) passant des anciens morceaux Motown et toutes sortes de raretés Soul, Ska ou Rythm'n'Blues. Ainsi naquit l'appellation Northern Soul.


La Northern Soul se définit donc avant tout comme une Soul dansante. Elle doit être rythmée (parfois jusqu'à la syncope, comme le «Tainted Love» de Gloria Jones), urbaine, élégante et correctement produite. D'une certaine façon, il s'agit du versant Pop de la Soul. Outre le rythme, les choeurs occupent souvent une place primordiale avec un jeu de «Call and response» hérité du gospel (une voix aigüe répétant ou répondant aux paroles du chanteur).

On ne parlera donc pas d'artistes Northern Soul mais plutôt de morceaux Northern Soul, puisque n'importe quelle chanson répondant aux critères mentionnés ci-dessus pouvait se trouver adoptée par le public Northern Soul, même si son interprète versait habituellement dans un style différent.

Vous avez déjà pu entendre un peu de Northern Soul ci et là sur Infrasons (Barbara Randolph, Gloria Jones, Alan Brown Set, Edwyn Collins), mais il était temps qu'un article soit spécifiquement consacré au sujet. Passons donc en revue quelques uns de nos titres favoris.


Martha Reeves et les Vandellas

Commençons par un classique du genre. Groupe phare de la maison de disques Motown, les Vandellas personnifient à l'envi le son Northern Soul avec leur rythme entraînant, leur tambourins sautillant et leurs voix en entrelacs. Reprise par plusieurs groupe Mods, «Heatwave» est évidemment l'une des plus grandes chansons de tous les temps.


Martha Reeves et les Vandellas - Heat Wave (1963)


Les Flirtations

Les Flirtations étaient trois grandes gigues qui aimaient se promener en robe de chambre rouge dans des abbayes médiévales en ruine (du moins si l'on en juge par leurs vidéo-clips). Cela mis à part, leur «Nothing but a Heartache» est le meilleur Aspirine que je connaisse.




Flirtations - Nothing but a Heartache (1968)


Les Four Tops

La Northern Soul n'est pas qu'un truc de filles. Autres poulains de l'écurie Motown, les Four Tops avaient trouvé la recette magique pour faire danser les blancs, les noirs, les garçons, les filles et tous les autres.






Four Tops - It's the Same Old Song (1965)


Les Poppies

La Northern Soul regroupe aussi bien des classiques Motown que de véritables raretés, telles les Poppies. C'est là tout le mérite des DJs qui officiaient dans les soirées Mods anglaises : saluons leur capacité à dénicher des perles inconnues ou oubliées de tous.



Poppies - There's a Pain in My Heart (1966)


Gigi et les Charmaines

Des compositions dignes des Vandellas, des voix capables de rivaliser avec les Supremes, une instrumentation proche des morceaux Motown,... : à vrai dire, je ne comprends pas pourquoi ce groupe n'a pas rencontré le succès auquel il pouvait prétendre. Encore une injustice à réparer.



Gigi et les Charmaines - Girl Crazy (1966)
Gigi et les Charmaines - Poor Unfortunate Me (1967)


Candy et les Kisses

Filles de pasteur, le groupe commence sa carrière sous le nom des Symphonettes avant d'opter pour un nom encore plus mièvre. Mais ne nous y fions pas : ces filles sont des tueuses et leur «81» possède le rythme absolu !





Candy et les Kisses - The 81 (1964)


Le Frank Popp Ensemble

La Northern Soul ne se cantonne pas qu'à l'Amérique et aux années 1960. Les Allemands du Frank Popp Ensemble prouvent ainsi que Düsseldorf peut être aussi explosive que Détroit avec cet hymne rétro des plus réussis. Et retenez bien : les ados dans le coup ne portent pas de jeans !




Frank Popp Ensemble - Hip Teens Don't Wear Blue Jeans (2001)


Et aussi :
la Northern Soul est une source intarissable de joyaux. J'aurais ainsi pu vous parler des Sapphires, de Jimmy James, Johnny Moore, des Peter's Faces, des Soul Survivors, d'Edwin Stars, de R. Dean Taylor, Frank Wilson, Chris Clark, Lorraine Silver, des Marvelettes ou Barbara McNair. Mais il y aura bien d'autres occasions.

mardi 7 juin 2011

Girls


En 2-3 ans, San Francisco a engendré une myriade de groupes plus talentueux les uns que les autres (Fresh & Onlys, Oh Sees, White Fence...). La logique voudrait que l'on soit maintenant blasé et que l'on fasse la fine bouche vis-à-vis des albums produits sur les rives californiennes. C'est pourtant chose impossible : il va encore falloir nous soumettre et rendre les armes devant un groupe san-franciscain. Les coupables s'appellent Girls, formation prodigieuse qui, avec son maxi Broken Dreams Club (sûrement une association rivale du Lonely Hearts Club des Beatles), nous offre le disque Pop le plus enthousiasmant depuis Little Joy (sorti en 2008).

Avec une production riche et chaleureuse, parsemée de cuivres, une voix «elvis-costellienne» et des mélodies délicatement traînantes proches du Big Star de la grande époque, ces Girls ne peuvent qu'épater.

Girls - Broken Dreams Club (2010)
Girls - Substance (2010)
(extraits de Broken Dreams Club)
Girls - Laura (2009)
(extrait de Album)